Si la Côte d’Or est reconnue pour sa production de crème de cassis (en 1841, Monsieur LAGOUTTE, liquoriste à Dijon met au point la composition de la fameuse liqueur de cassis, dont le chanoine KIR, député-Maire recommandera l’emploi systématique dans les réceptions officielles), notre village peut s’enorgueillir d’avoir été longtemps considéré comme un producteur de petits fruits : groseilles et … cassis.
Aujourd’hui, notre envie est de vous en faire savoir un peu plus, comme de rappeler à ceux qui l’ont vécu … ce qu’il en était de cette production chaque année en juillet.
Le cassissier, arbuste buissonnant, aux tiges et feuilles délicatement colorées de carmin et dotées du même parfum que ses fruits est une plante indigène, tout comme le groseillier, son cousin.
Grecs et Romains semblent avoir ignoré cette plante et les écrits du Moyen-Âge ne fournissent aucun élément sur sa consommation. Ce n’est qu’à la renaissance que le cassissier est cultivé pour ses fruits.
Au 18ème siècle, sa culture se vulgarise, la baie de cassis étant en grande vogue car considérée comme panacée universelle. C’est à cette époque que les cultures de cassissiers se distinguent dans la périphérie dijonnaise. La variété « Noir de Bourgogne » prédomine. Vers 1855, la vigne atteinte de phylloxera est remplacée par des champs de cassis et sur de larges surfaces. Un négociant, implanté dans notre village en favorise le développement. Il s’agit de la Maison REITZ qui dès 1902, achetait les cassis par contrat dans toute la région (à titre indicatif cet établissement a commercialisé en 1921, 239 tonnes de cassis et 3 tonnes de groseilles.
Vers 1930, la production de Corgoloin fut de 100 tonnes. Lors de la crise de 1933/1934, le hollandais VAN DER VYVER s’installe à Seurre pour y fabriquer des pulpes de cassis destinées à l’Angleterre. Il utilise alors le transport fluvial.
Durant la guerre 1939/1945, l’Angleterre effectue des plantations de … cassissiers. Les exportations reprennent néanmoins avec ce pays (3 à 4 péniches de 200 tonnes rejoignent les ports normands durant la période de récolte) avant de se terminer aux alentours de 1953.
L’Allemagne pris alors le relais en raison d’une sous-alimentation de sa population (liée à une période difficile d’après guerre) et préconisa la consommation de jus de cassis lequel contenait beaucoup de vitamine C.
Commencée vers 1955, ces récoltes se terminèrent vers 1967/1968 (à titre indicatif, CORGOLOIN vit partir 870 tonnes de cassis en Allemagne en 1962…).
En ce qui concerne les achats à la production, les marchés se traitaient avec les syndicats communaux dès que « la fleur » était passée, donc au moment où il était possible d’évaluer la récolte en quantité.
Vers 1949/1950 s’est créée une coopérative (CAFCO) qui fonctionnera jusqu’en 1980, après une période de ralentissement engagée dès 1972. Pendant sa réelle activité, elle a joué un rôle important pour les producteurs.
Les arrachages de pieds de cassis commencèrent dans les années 70. La cause en fut l’effondrement des cours dû à la perte de marchés internationaux et aux importations en provenance des pays de l’Est à des prix de dumping…
PARFUM (DE CASSIS) … DE NOSTALGIE…
Le cassis à CORGOLOIN aura duré un siècle. Les mois de juillet ont alors vu durant cette longue période, une commune en pleine effervescence. Fin juin, des familles entières de manouches descendaient le village et venaient s’installer en des lieux (bords de chemins, prés) prêtés par les producteurs de petits fruits.
Aux roulottes tirées par des chevaux succédèrent au fil du temps des caravanes tractées par de « grosses américaines ». Les granges et les hangars embaumaient alors l’odeur du cassis et CORGOLOIN s’accommodaient d’une cohabitation qui bien qu’éphémère apportait une tonalité toute particulière dans les échanges entre personnes.
Si les cafés faisaient le plein, c’est en fin d’après-midi, au retour des champs, que s’effectuait quotidiennement la pesée des cageots. Les débuts de soirées voyaient l’oberlin remplir les bombonnes et s’épancher sur les gorges desséchées. Les autres commerces du village se dépêchaient de faire recette, une brutale chute de grêlons … pouvant la raccourcir.
Le soir, les camions allemands chargés de cageots de cassis partaient « à la fraîche » regagner leur pays, comme les matins, les producteurs du village amenaient leurs récoltes de la veille (les chevaux et les remorques étaient les seuls moyens de transport…) à la coopérative ou chez le négociant.
Outre les gens du voyage (on disait alors que leur dextérité à cueillir le cassis était…le fruit de leur habilité à travailler la vannerie), que l’on appelait aussi « vanniers », c’est beaucoup de gens du village qui s’emploieront « à faire le cassis » pour arrondir leur budget.
Aussi, de nombreuses personnes disposaient d’un « journal » (1) de cassis, on notera que les jeunes du village n’étaient pas les derniers à se faire embaucher tant aux champs que chez les expéditeurs et grossistes.
Avec l’argent gagné, c’était pour les adolescents un trésor assuré pour participer à la fête foraine communale de fin juillet.